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Conte n°1  

Le garçon et l’arbre

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Il était une fois un petit garçon  grave et solitaire dont personne ne connaissait le nom arrivé depuis peu dans ce quartier des fabriques situé dans une ville portuaire animée du nord-est de la chine.

 

Trois fois par jour le gamin avait pris l’habitude de s’asseoir seul sur un banc désert qu’il avait débarrassé du lichen  et de la mousse qui le recouvrait. Ce moment passé là, sans bouger, juste attentif pour la première fois de sa vie à sa seule présence à lui-même, avait été une expérience si nouvelle, si étrange, que depuis, chaque instant de liberté qu’il pouvait s’octroyer, il le passait là. Cela s’était déroulé naturellement.

 

C'est la deuxième fois qu’il s’était assis sur ce banc qu'il avait ressenti une présence bienveillante, mais ne pouvait s’expliquer la chose car il se savait seul dans ce petit jardin où il venait de prendre refuge après sept heures d’un travail harassant et mécanique.

 

Ce n’est qu’au bout du troisième jour qu’il comprit d’où lui venait cette sensation, lors d’un moment de torpeur qu’il mit sur le compte de la fatigue, dans une sorte de songe. Il se vit conversant avec un vénérable vieillard qui se présenta comme étant l’arbre du jardin sous lequel il se trouvait. Le vieil homme lui dit combien il était heureux de  l’accueillir, après un siècle d’isolement dans ce jardin oublié des hommes.

 

Lorsque reprit ses esprits, l’enfant, en effet, remarqua un bel arbre qui se trouvait tout près du banc de pierre. C’était la première fois qu’il regardait vraiment un arbre, il fut surprit de le trouver beau, alors qu’il n’y avait  même prêté attention lors de ses précédentes visites.

 

Un soir alors qu’il était très tard, la journée de travail avait été plus longue et pénible qu’à l’accoutumée, car  Noël en Europe approchait et les commandes de l’usine pour laquelle il travaillait avec de nombreux autres enfants, s’étaient accrues. Le garçon s’assit immobile à la seule lueur d’un petit lampion accroché sur la branche basse d’un arbuste et sombra dans une douce torpeur. Il perçu tout en somnolant, la voix de son nouvel ami qui continuait à lui conter sa longue vie… Un marchand de tissus l’avait rapporté trois cent ans plus tôt, d’un de ses nombreux voyages au Japon alors qu’il n’était encore qu’une petite pousse de Ginko Biloba. Le commerçant, petit homme raffiné et curieux de tout, l’avait planté avec soin dans la partie du jardin la plus propice à sa croissance.

 

Cet emplacement lui avait été profitable et s’était révélé en outre providentiel, car, depuis les grands bouleversements qu’avait connue cette partie de la ville, le jardin avait était amputé au trois quarts. C'était presque incroyable de trouver encore un peu de nature au milieu de tous ces immeubles imbriqués les uns dans les autres.

 

Une autre fois, l’homme lui conta la beauté de la petite bourgade d’antan, à l' époque où de nombreux oiseaux venaient nicher dans ses majestueuses branches. L’enfant apprit aussi que les oiseaux pouvaient communiquer avec les humains et qu’il en était de même pour les tous les animaux et les plantes.

Mais les oiseaux avaient maintenant presque tous disparus; les survivants aux pollutions industrielles multiples avaient été éradiqués par le gouvernement, pour éviter les risques de pandémie.

Ils se trouvaient maintenant  parqués dans un Zoo situé à trois cent kilomètres, étroitement surveillés par des brigades de biologistes et de vétérinaires. Il fut émut d’imaginer que les ancêtres de ces volatiles, qu’il avait vus une fois au zoo, avaient pu voler librement au-dessus de son ami.

C’est ainsi que le temps s’écoula…

 

L’enfant avait beaucoup changé, son expression grave était toujours présente mais l’on pouvait percevoir maintenant chez lui, une force nouvelle, traduite par des gestes plus précis et une sérénité communicative que les trois autres enfants qui occupaient sa minuscule chambrée, partageaient silencieusement.

Ces rencontres avec l’arbre séculaire dans ce mystérieux jardin, avaient déclenché chez lui le désir de découvrir s’il existait encore dans le vaste monde, des arbres survolés d’oiseaux planants librement dans le ciel. Un jour, il en avait l’intuition, il irait s’en assurer !

 

 

 

 

 

 

Lulu - Claire Richez
Janvier 2008, Théâtre Le Quai – Angers France

L’artiste a pensé à deux livres et un poème lors de l’écriture de ce conte :
- "Passagère du silence" de Fabienne Verdier
- "Jonathan Livingston le goéland" de Richard Bach
- "L’albatros", poème de Baudelaire

 

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